Projet d’intégration de 5000 diplômés à la fonction publique

Les arnaqueurs et escrocs s’y mêlent

Au cours d’une rencontre avec ses ministres dans le cadre de suivi et évaluation de la mise en œuvre du programme quinquennal du chef de l’Etat, le Premier Ministre Allah-Maye Halina a instruit le ministre de la Fonction publique et de la concertation sociale, Abdoulaye Mbodou Mbami de veiller à l’intégration de 5000 diplômés à la fonction publique, comme promis par le Président de la République, Mahamat Idriss Déby Itno. Dès lors, ce projet d’intégration fait bouger les choses dans tous les sens.

Sougour Ndangbété Jean Luc

La question de l’intégration des jeunes à la fonction publique demeure une préoccupation majeure pour ces jeunes diplômés et pour toute la société, vu le taux de chômage grandissant. Comme tel, les gouvernants profitent également de ce point, aussi sensible que crucial, pour en faire une récupération politique en vue de mieux s’enraciner. C’est à juste titre que, lors du forum national des jeunes, tenu en grande pompe en octobre 2024, le prince héritier, Mahamat Kaka a promis, sous un tonnerre, d’applaudissements, l’intégration de 5000 jeunes à la fonction publique. Soit ! Lors de la présentation de la politique de son gouvernement, le 26 février 2025, devant les Députés, le Premier Ministre Allah-Maye Halina, a rassuré sur la question d’emploi des jeunes. C’est sans doute dans cette perspective aussi, qu’il a instruit le Ministre de la Fonction publique de veiller à la mise en application de la promesse relative à l’intégration de 5000 diplômés à la fonction publique. Quoi de plus surprenant !

Des agitations puériles au beau fixe

Après être informés de cette instruction, plusieurs organisations des diplômés, en attente d’intégration à la fonction publique, sont vent debout et ne cessent d’intensifier des actions pour obtenir, vaille que vaille, gain de cause. Le coup d’envoi a été donné par le Collectif des Lauréats des Ecoles normales supérieures qui multiplie des actions dont un sit-in devant la primature, pour exiger la transparence dans ce processus. Car, selon eux, il sera inadmissible d’intégrer dans l’enseignement, des personnes qui ne sont pas du domaine, sur fonds de copinage, de clanisme, de népotisme et d’accointance politique. Pendant ce temps, des lauréats ressortissants des Ecoles normales supérieures de l’extérieur s’activent eux également, pour avoir leur part de ce fameux quota. Pour y arriver, leurs représentants ont jugé bon de passer par le Médiateur de la République, Saleh Kebzabo, pour leur faciliter la tâche. Allusion faite à la rencontre tenue avec le médiateur le 13 mars dernier.

C’est en ce moment aussi que les diplômés de l’Institut national de la jeunesse et des sports (Injs) exposent leur force de frappe.  A travers une manifestation organisée le 15 mars, dans les locaux dudit institut, ils ont clairement exprimé leur zèle de passer à une vitesse supérieure dans leurs actions de réclamation, si le gouvernement ne les prend pas en compte dans ce quota. De l’autre côté, les maîtres communautaires, en plus du paiement de leurs arriérés, réclament aussi leur reversement à la fonction publique. 

Dans le secteur de santé, les jeunes médecins n’entendent pas, eux également, lâcher prise, si le gouvernement ne les intègre pas à la fonction publique. A travers plusieurs sorties médiatiques et grognes sociales, ces corps soignants ont toujours exprimé clairement leurs mécontentements. Leur cas a été l’une des raisons pour lesquelles le Syndicat des médecins du Tchad (Symet) est allé en grève, du 10 au 13 mars dernier.

Pour la même cause, 310 Techniciens supérieurs de laboratoire et 265 techniciens de pharmacie, soit 12 promotions, formées à l’Université Adam Barka d’Abéché, se mobilisent et envisagent des actions d’envergure pour contraindre le gouvernement à songer également à eux.  Le groupe des diplômés sans emplois, en instance d’intégration, n’est pas du reste. A travers une sortie médiatique faite le 16 mars 2025, les membres de ce groupe durcissent le ton. Il en est de même pour la plateforme « SABARNA », qui n’entend pas aussi « se laisser faire ».

Des escrocs s’activent

Le comble du paradoxe, des organisations de la société civile, pire, des formations politiques, mettent en place des mécanismes, disent-ils, pour faciliter à leurs membres, diplômés aspirant à la fonction publique, d’y avoir accès. C’est le cas par exemple, du Parti Démocratique de la jeunesse et du Travail (Pdjt) qui a mis sur pied, une cellule spéciale, chargée de la réception des diplômes de ses membres sans emploi pour leur intégration à la fonction publique, sur le quota de 5000 places prévu. Et le parti met à profit cette précarité pour exiger de tous ceux qui sont intéressés, de joindre à leur dossier, une somme de 5.000f CFA, « pour le reçu d’adhésion ».

Ce projet est donc une boite à pandore, ouverte pour arnaquer et escroquer les pauvres diplômés qui revendiquent, lamentablement, leur intégration à la fonction publique. Ceux-ci commencent à tendre des pièges sous de fallacieuses expressions comme « j’ai trouvé une fenêtre », « j’ai un réseau sûr », « il y a un tuyau sûr au sein de la boite», « Parle bien  et tu seras intégré » ; « Avance quelque chose et le reste après être intégré ». Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, ces vendeurs d’illusions activent tous les réseaux possibles pour escroquer et arnaquer les usagers des services de la fonction publique. La mafia étant bien visible, le ministre en charge de la Fonction publique est contraint de faire une déclaration pour, non seulement lever l’équivoque sur les accusations d’arnaques contre les agents de son département, mais aussi et surtout, alerter les usagers sur l’arnaque et l’escroquerie. Par son point de presse tenu le 12 mars dernier à son Bureau, il a reconnu que ces derniers temps, des personnes mal intentionnées appellent sans cesse, les usagers pour leur promettre l’intégration à la fonction publique. Pour lui, ces personnes sont, pour la plupart, des individus poursuivis ou condamnés pour arnaques et escroqueries, actuellement détenus à la Maison d’Arrêt et de Correction de Klessoum. Par conséquent, le Ministre a rendu disponible, un numéro vert, le « 1236 », pour dénoncer toute tentative d’escroquerie, tout prévenant qu’à ce jour, aucun réseau d’usagers des dossiers n’existe dans son département.

Les frustrations sont à venir

Vu les agitations et autres soulèvements sans la moindre mise en application de ce projet, il est à s’inquiéter, quant aux aboutissants. Du vivant du 1er Maréchal du Tchad, l’intégration de 20000 jeunes a été promise. Malheureusement, elle n’a pas été effective jusqu’à son décès. En décembre 2021, Déby fils, en son temps président du Conseil militaire de transition a promis l’intégration de 5000 jeunes à la fonction publique, pour l’exercice 2022. A peine, environ mille jeunes intégrés sur fond de discrimination, le projet est dissipé. Aujourd’hui, on revient encore avec un tel projet, dans un contexte où les jeunes supportent déjà très mal les multiples duperies dont ils sont victimes. C’est pourquoi, au regard de vives réactions des jeunes diplômés, bien que tout le monde ne peut pas être pris en compte par le quota brandi, si ce projet devait être réalisé, il faut de l’objectivité et du sérieux dans le traitement des dossiers. Au lieu d’introduire des noms des cousins, des camarades de lutte, des copains et des copines, il faut se contenter de nombreux dossiers rangés depuis des années, dans les terroirs du Ministère. Aussi, il faut des précisions sur les départements concernés pour éviter les conséquences à venir. Mieux vaut prévenir que de guérir.

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