Energie électrique au Tchad : Que peut-on attendre de la Tchadienne d’Electricité ?

 

Malgré les multiples promesses des plus hautes autorités du pays d’éclairer la ville de N’Djaména et de rendre accessible à l’électricité à tous les Tchadiens à l’ère de la 5ème République, N’Djaména, la cité capitale, la vitrine de l’Afrique, plonge davantage dans l’obscurité, comme les autres grandes villes du pays. C’est dans cet état que la Société tchadienne d’électricité devient, par un coup de bâton magique, « La Tchadienne d’Electricité » (Tchad Elect). Le changement de nom de cette institution pourra-t-il apporter un changement profond ?   

Christian Allahndiguissem

Contre toute attente, par décret n°1292 du 07 juillet 2025, la Société nationale d’électricité (SNE) est déchue du bénéfice de la qualité d’Exploitant principal délégataire du service public de l’énergie électrique et par voie de conséquence, il lui est retiré le transfert des biens nécessaires à l’exécution de sa mission, comme on peut lire sur la page du Secrétariat général du gouvernement. En français facile, la SNE est désormais dissoute. En lieu et place, une autre institution. A la même date, par le décret 1293, il est créé par la République du Tchad, propriétaire à 100% d’actions, une Société d’Etat avec Conseil d’administration, régie par les dispositions de l’Acte Uniforme révisé de l’OHADA, du 30 janvier 2014, relatif au Droit des Sociétés Commerciales et du Groupement d’intérêt Economique, et par la Loi n°020/CNT du 23 septembre 2024, relative à la Gouvernance des Société à participation publique. Au terme de ce décret, la dénomination sociale de la société est : « la Tchadienne d’Électricité » (Tchadélect). De la Société tchadienne de l’eau et d’électricité (Stee) à la Société nationale d’électricité (Sne), nous voici, avec les choses de la 5ème République, la Tchadélect. Un accronyme facile à retenir, bien à prononcer, mais qui fait rigoler à tout bout de champ. Est-ce à comprendre qu’avec un nouveau nom, le secteur de l’énergie électrique aura un nouveau  souffle ? Sinon, quel est l’intérêt du peuple tchadien dans le changement de nom  de l’institution ?

Le problème est ailleurs

On se rappelle,  en 2022, lors de son investiture en qualité de président de transition, au sortir du Dialogue national inclusif et souverain, le président de la République, Mahamat Idriss Déby Itno a promis que  «D’ici janvier 2023, les capacités de production énergétique seront triplées dans la ville de N’Djaména ». Cette promesse reste gravée dans la mémoire collective. Mais, 3 ans plus tard, la ville de N’Djaména sombre dans l’obscurité. Aussi, dans le 7ème chantier de son plan quinquennal, MMIDI promet de rendre l’eau et l’énergie accessibles à tous les Tchadiens. Il faut relever en outre que, depuis le début de ce quinquennat, l’énergie semble être l’un des secteurs dont les actions sont plus contrôlées à travers des visites et autres missions du président de la République, de son premier ministre et  du ministre de tutelle, ainsi que les responsables directs. Des visites effectuées çà et là, dans les différentes centrales électriques. Et comme rien ne bouge, il fallait changer de nom pour espérer une amélioration, en matière  de fourniture en électricité, afin que tous les Tchadiens y aient accès, comme promis.

A en déduire, la mauvaise gestion des fonds alloués au secteur de l’énergie est l’une des principales causes qui a conduit à ce changement de forme. Allusion faite justement, aux propos du président de la République, tenus lors de sa rencontre avec les différents acteurs du secteur, où il disait clairement que rien ne marche, en matière d’électricité à cause de la mauvaise gestion et de l’enrichissement illicite de certains responsables.  Surtout que cet aveu est intervenu, 24 heures seulement après la publication du décret créant la Tchadélect. Pourtant, la mauvaise gestion, nous en avons assez parlé. Malheureusement, les voix discordantes qui ne cessent pas de dénoncer ce phénomène érigé en règle de gestion dans l’administration publique ne sont toujours pas audibles.

Pour revenir à la nouvelle société, il faut dire pour le déplorer que le problème d’électricité est ailleurs. Le changement de nom de l’institution est simplement un acte illusoire, impropice et impopulaire qui n’apportera rien de mieux, comme valeur ajoutée. Au contraire, la situation risque de s’empirer, avec une institution comme Tchadélect, créée sous un climatiseur, à la va vite. En effet, les problèmes de la consommation gratuite de l’énergie par des généraux « intouchables et puissants », leurs familles ainsi que leurs voisins, les branchements illicites et bien évidemment, le désir de satisfaire ses intérêts égoïstes et personnels qui tirent toujours le secteur vers le bas, à quoi s’ajoute, le problème de recrutement  des agents sur fond de clientélisme, du népotisme et de couleur politique sont là les écueils factuels. Conséquence, le secteur est investi par des arnaqueurs et des escrocs de tous bords qui s’enrichissent également de manière illicite sur le dos des pauvres consommateurs.

De profondes réformes s’imposent

Changer en un seul jour le nom SNE en Tchadelect est très facile. C’est ce qui fut fait. Malheureusement,  espérer une amélioration avec ce jeu est une blague de mauvais goût. On s’interroge également de ce qu’on fera des milliards dilapidés et dont le président de la Repique a fait mention. Le secteur de l’énergie nécessite urgemment des réformes profondes. Cela doit aussi passer par des audits et des évaluations préalables. Ce qui amène à dire que la création précipitée de Tchadélect cacherait beaucoup de choses. Il est important que lumière soit faite sur la gestion de la défunte SNE pour mieux corriger les failles et mieux faire. Comme dirait quelqu’un, on a juste déshabillé Paul pour habiller Jean. Mais que fera Jean, mieux que Paul ? C’est ici le lieu de craindre le pire, car nous avons déjà été victimes avec la Conorec et l’Ange. C’est pour ainsi dire, mieux vaut un démon connu qu’un ange inconnu. Il ne suffit pas de changer le nom pour espérer une performance. Le « changement de façade ne remplace pas le changement de fond ». Au bénéfice du doute, le nom Tchadélect ne sera que coquille qui couvre les véritables maux. Si les réels défis ne sont pas relevés, on donnera raison à un contemporain qui disait qu’au Tchad, bizarrement, lorsqu’on dit : « que la lumière soit », « la lumière fuit ». Avec Tchad Elect la lumière risque de fuir au loin.

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