Après une concertation bien murie, du 30 juin au 5 juillet 2025, les évêques du Tchad sortent du silence et tapent du poing sur la table. Les récurrents et sanglants conflits intercommunautaires avec comme charge, l’impartialité des autorités administratives et militaires dans leur gestion, couronnée par l’absence notoire de gouvernance, étaient au cœur de leur déclaration. Un rappel à l’ordre des hommes de Dieu qui devrait interpeller plus d’un.
Franck Madjitébaye
C’est dans un ton ferme et péremptoire que le prélat du Tchad, entendu les 5 évêques de la confession religieuse catholique, ont convenu de s’adresser aux plus hautes administratives du pays. Sans jambage, les hommes de Dieu ont tenu à interpeller les plus hautes autorités du pays sur les récurrents conflits meurtriers qui secouent une bonne partie de localités du pays. Un simple rappel à l’ordre qui apparait incongrue et par endroit contradictoire dans certaines sorties du prélat tchadien, dans certaines circonstances atténuantes. Dans les détails de cette déclaration, les violences enregistrées sous nos cieux proviennent de l’absence de l’Etat et de l’impartialité de ses représentants dans sa gestion. Pour le président de la conférence épiscopale du Tchad, Monseigneur Martin Wangué Bani, évêque de Doba, cette situation de crise sociale que traverse le pays, menace dangereusement, non seulement l’unité nationale, mais ôte la vie des concitoyens tout en impactant très négativement sur l’économie du pays : « Notre message de Noel 2024 sur le respect de la dignité humaine n’a pas été entendue. Au contraire, les massacres se sont empirés. Nous sommes profondément attristés et indignés par la montée de ces violences, leur cruauté et leur ampleur dans les événements survenus à Manda-kaou dans le Logone Occidental, à Molou dans le Ouaddaï, à Oregomel dans le Mayo-Kebbi-Ouest et à Mouray dans le Salamat et un peu partout où l’on n’en parle. Au nom de la dignité humaine, nous ne pouvons rester indifférents devant des massacres macabres qui n’épargnent ni enfant, ni femme. Nous condamnons fermement ces actes horribles et barbares qui heurtent la conscience humaine et déshonorent ceux qui sévissent et leurs commanditaires. Par ailleurs, nous présentons nos sincères condoléances aux familles endeuillées et prions pour le repos de l’âme de ceux qui ont été tués et le rétablissement des blessés. Nous prions aussi pour la conversion des bourreaux. Comme nous l’avons dit dans notre message de Noel 2024, l’Homme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. A ce titre, la dignité humaine appartient à chaque personne en toute circonstance et dans quelque état ou situation qu’elle se trouve », a t-il déclaré au nom du prélat, se référant au traditionnel message de Noel qui, à voir de plus près les choses, a été purement et simplement foulé aux pieds par les plus hautes autorités du pays.
Un appel lancé pour une table ronde
Par cette sortie acerbe, la conférence épiscopale ne s’est seulement attardée dans la dénonciation. En guise de proposition des solutions aux différents conflits sanglants qui secouent le pays, les évêques en appellent à une table ronde des différents acteurs et leaders d’opinion, à tous les niveaux, pour exploiter les différentes pistes. « Des vies perdues dans ces tragédies sont une perte inestimable pour notre société. Il est de devoir de l’Etat dans son rôle régalien de protéger tous les citoyens et leurs biens, restaurer la paix et la sécurité dans les régions affectées. Ces conflits sanglants déstabilisent le monde rural sur lequel, repose l’économie de notre pays. Face à la recrudescence de ces violences, il faut une véritable concertation nationale qui examine les causes profondes de ces conflits. Car une véritable réconciliation pour une paix durable exige la vérité et la justice », a martelé Monseigneur Martin Wangué Bani, le président de la conférence épiscopale, tout en réaffirmant la disponibilité du prélat à contribuer dans les recherches de la paix pour un Tchad réconcilié.
Et pourtant….
Dans leur message de Noel 2024, les évêques du Tchad ont passé au peigne fin, tous les maux qui gangrènent notre société, interpellant toutes les couches socioprofessionnelles du pays à s’assumer. Des militaires en passant par toutes les autres couches aux plus hautes autorités du pays, les évêques ont mis chacun devant sa responsabilité, devant la société et devant Dieu. Une pétition qui, au-delà de son aspect religieux, est une critique crue, exposant les tares des uns et des autres, tout en suggérant des pistes de solutions. Dans ce message de Noel, s’il faut le rappeler, l’accent particulier a été mis sur le respect de la sacralité de la vie humaine et de sa dignité, incarnées par la justice et la paix, gage de l’unité nationale tant chantée. Dans la pratique, ce message ressemble fort malheureusement à de l’eau versée sur le dos d’un canard, vue la recrudescence des violences meurtrières, des graves violations des droits humains et autres entraves à la liberté décriées. Même si l’exception ne confirme pas forcément la règle, lors d’une visite de courtoisie effectuée par l’Archevêque Métropolitain, Monseigneur Edmond Djitangar Gotbé au Président de la République, Mahamat Idriss Déby Itno, l’homme de Dieu, chef de l’Eglise catholique qui est au Tchad aurait griffonné sur son compte Facebook que, le Président est un homme qui écoute et qui a la crainte de Dieu. Que l’acte soit ainsi lié à la parole pour la paix retrouvée au Tchad et l’unité nationale !