Copinage et récupération politique au rendez-vous
La 29ème édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO), au Burkina-Faso, se tient du 22 février au 1er mars courant. Le Tchad, pays invité d’honneur, a pris part à cette grande messe du cinéma africain par une forte délégation, mais taillée sur mesure et aux ambitions cachées, sous tous les projecteurs de critique.
Abdoulaye Mbata Nder
Le coup d’envoi de la 29ème édition du Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (FESPACO) au Burkina-Faso, a été donné comme prévu, le 22 février 2025. Le Tchad, invité d’honneur y est présent avec une forte délégation, de 230 personnes, conduite par le ministre en charge de la Culture, Abakar Rozzy Teguil. En sus, une autre délégation spéciale, de plus 200 personnes, sous le guide du président de la République, Mahamat Idriss Déby Itno.
Cependant, ici au pays, la polémique éclate au sujet de la configuration de la délégation qui doit représenter le pays dans les différentes activités culturelles au programme. A l’origine, certains artistes, laissés pour compte, déplorent le manque d’objectivité de la part des dirigeants, dans la sélection des participants. Selon Ahmat Mahamat Ahmat, chargé des relations et de communication de l’Union National des Organisations Culturelles et Artistiques au Tchad (UNOCAT), par ailleurs, promoteur du festival tchadien des films amateurs, le copinage a prévalu dans la sélection des participants. «Imaginez que, les mêmes les plateformes artistiques n’ont pas été associées à l’événement », a-t-il lâché, tout en révélant que ces derniers auraient essayé, à plusieurs reprises, d’entrer en contact avec les membres du département en charge du Développement Touristique, de la Culture et de l’Artisanat, sans succès.
D’un autre côté, certains artistes déplorent le fait qu’un grand nombre de techniciens tchadiens ne prennent pas part à ce grand rendez-vous. Selon le réalisateur Nganodji Jean Kevin, alias Hadre Dounia, la participation des techniciens aurait pu être bénéfique. « Lorsqu’on parle de festival, c’est d’abord les échanges autour de la profession. Les échanges autour de la profession, ce sont les masters class, animés par les professionnels », a-t-il souligné, précisant qu’à travers des ateliers professionnels au programme, les artistes tchadiens pourront mieux gagner en termes d’expériences.
Des tiktokeurs et doungourous embarqués dans l’avion
Alors que d’autres nations profitent du FESPACO pour mettre en exergue leurs réalisateurs, scénaristes et producteurs, le Tchad, lui, préfère une délégation sans vision artistique. Des images qui circulent sur les réseaux et le récit de certains participants à cette grande messe du cinéma africain, témoignent clairement que le ministre du Développement Touristique, de la Culture et de l’Artisanat, Abakar Rozzi Teguil, s’est fait accompagné de ses courtisans. Selon des indiscrétions, on aurait convoyé des Tiktokeurs, et autres figurants, en grand nombre dans la délégation, pour des raisons inavouées. Pourtant, le Tchad aurait pu saisir cette opportunité pour affirmer une véritable politique culturelle en faisant participer un grand nombre d’acteurs de profession et, pourquoi pas célébrer ceux qui ont fait rayonner son cinéma. En toute franchise, des figures du cinéma tchadien ont été ignorées, à l’exemple de Nocky Djedanoum, écrivain, scénariste et fondateur du festival « Regards sur le cinéma du monde », dont l’engagement en faveur du rayonnement africain en général n’est plus à démontrer. Il en est de même pour Mahamat Saleh Haroun, ancien ministre de la culture dont l’engagement pour le cinéma tchadien et africain n’est plus à démontrer.
Une récupération politique ?
L’engouement et la mobilisation des plus hautes autorités du Tchad à cette manifestation culturelle, méritent bien qu’on en parle. Plus d’un milliard de francs CFA, tiré du trésor public, a été investi pour convoyer la délégation tchadienne à ce festival. Cela montre clairement la volonté du gouvernement tchadien à marquer sa présence en or à ce rendez-vous du Cinéma africain. Mais, avec une délégation sans vision artistique, l’on est amené à se poser un certain nombre de questions. Selon certains observateurs avertis, le pouvoir de N’Djaména qui, depuis un certain temps, fait un appel du pied à l’Alliance des Etats du Sahel (AES), voudrait saisir cette opportunité pour montrer sa solidarité au leader Burkinabé, le jeune capitaine, Ibrahim Traoré. Une hypothèse qui mérite bel et bien d’être soutenue, vu la présence très remarquée du président de la République, le Maréchal Mahamat Idriss Déby Itno qui a d’ailleurs, mis à profit son bref séjour, pour adresser en retour, une invitation officielle à son homologue Burkinabé. Il va sans dire que, Mahamat Idriss Déby Itno, accueilli en grande pompe aux pays des hommes intègres, n’a pas failli à son plan. Sa présence très remarquable aux cotés de son homologue et sa visite effectuée au mémorial en mémoire de Thomas Sankara, le père de la révolution burkinabé, en disent long.