Coopération Tchad-Soudan, Entre menace et déclaration de guerre

Le 23 mars 2025, une vidéo circulant sur la toile bleue montre clairement que le Commandant en chef-adjoint des forces armées soudanaises, le général Yasser Al-Atta, profère des menaces contre le Tchad. Il a nommément cité l’Aéroport international Hassan Djamous de N’Djaména et celui d’Amdjarass comme cibles légitimes du Soudan. Ces menaces intervenues après plusieurs accusations contre le Tchad, ont suscité la réaction des autorités tchadiennes.

SN Jean Luc

Dans cette courte vidéo diffusée ce 23 mars 2025, à la surprise générale, le numéro 2 de l’armée soudanaise, le général Yasser Al-Atta, pièce majeure de la junte militaire soudanaise, a tenu un discours inédit, d’une extrême gravité. « Les aéroports de N’Djaména et d’Amdjarass sont des cibles légitimes du Soudan. Ces deux infrastructures sont utilisées par les Forces de soutien rapide (FSR) pour détruire le Soudan ». C’est la quintessence de ce qu’on peut retenir de sa déclaration, faite au moment même que des pourparlers entre les deux pays voisins liés par l’histoire, se poursuivent sous l’égide de l’Egypte.

N’Djaména réplique

Quelques heures après les réactions des acteurs, des organisations de la société civile, des hommes politiques et de bien d’autres tchadiens, face à ces accusations, le gouvernement tchadien sort de son silence. A travers un communiqué de presse signé de son porte-parole, Ibrahim Adam Mahamat, le Ministère des Affaires étrangères, de l’intégration africaine et des Tchadiens de l’Etranger dit avoir pris acte, avec une profonde gravité et une totale sérénité, des menaces proférées par le Commandant en chef-adjoint des forces armées soudanaises contre la sécurité et l’intégrité territoriale du Tchad. La diplomatie tchadienne rappelle que depuis plus de 60 années, les régimes soudanais, animés par le terrorisme, n’ont pas cessé de déployer tous les moyens possibles, pour déstabiliser le Tchad. « Ils ont entre autres, orchestré des rebellions et soutenu le groupe Boko-Haram », indique le communiqué qui souligne par ailleurs, qu’en dépit de ces agressions incessantes, le Tchad a toujours choisi de ne pas répondre par la violence. Ainsi, par ce canal, le Tchad insiste que la situation de crise actuelle au soudan résulte de l’irresponsabilité des dirigeants soudanais.

Par conséquent, le Ministère en charge de la diplomatie condamne fermement les propos« irresponsables », du général Yasser Al-Atta qui, selon lui, peuvent être interprétés comme une déclaration de guerre, s’ils sont suivis d’effets. « Le Tchad se réserve le droit légitime de riposter avec rigueur à toute tendance d’agression contre notre pays, quelle qu’en soit l’origine. Si un mètre carré de territoire tchadien est menacé, le Tchad répondra conformément aux principes du droit international », préviennent les autorités tchadiennes pour qui, de tels discours pourraient conduire à une escalade dangereuse dans l’ensemble de la sous-région. Aussi, rappellent-elles, le conflit soudanais est une affaire interne relevant de la seule responsabilité des parties belligérantes. S’appuyant sur son hospitalité, en accueillant les réfugiés soudanais, victimes de la crise, le Tchad rappelle son engagement en faveur de la paix, de la solidarité et de la stabilité dans la région. « Au lieu de proférer des menaces insensées, le général AL-Atta et les acteurs du conflit soudanais doivent impérativement se concentrer sur l’urgence d’une cessation immédiate des hostilités et s’engager sans délai dans un dialogue constructif en faveur d’une solution pacifique et durable », estime le porte-parole du Ministère, tout en réaffirmant la volonté du Tchad de collaborer activement avec toutes les parties désireuses de contribuer à un retour rapide de la paix au Soudan. « Toute autre approche serait inacceptable», dit-il.  

Vers une guerre ou un véritable dialogue entre les deux pays ?

En octobre 2024, les autorités soudanaises accusaient celles du Tchad d’être impliquées dans la crise qui secoue le Soudan depuis avril 2023. Pour elles, le Tchad soutient les Forces de soutien rapide, semant de troubles au sein des populations. Ces accusations répétitives ont suscité la réponse du Tchad ne s’était pas fait attendre. A travers des communiqué de presse, le gouvernement tchadien, par le biais du Ministre des Affaires étrangères de l’époque, Abderamane Koulamallah, n’a pas cessé d’exprimer sa vive indignation face à ces accusations qui, selon lui, sont infondées et ne visent qu’à détourner l’attention des responsabilités internes soudanaises. Pour le gouvernement, le Tchad a toujours œuvré pour la paix au Soudan, adoptant une position de stricte neutralité, tout en rappelant la volonté du chef de l’Etat Tchadien, pour des tentatives de médiation, malheureusement « ignorées par Khartoum » qui, persiste dans la voie militaire. Pourtant, « le Tchad est plutôt victime et non acteur des troubles qui ravagent le Soudan », affirmait Koulamallah en novembre 2024.

Accusation après accusation, réplique après réplique, en date du 2 novembre 2024, le Soudan porte l’affaire devant l’Union Africaine, par une plainte officielle déposée auprès de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples, accusant N’Djaména de soutenir militairement les FSR, sollicitant son intervention pour y mettre fin. Aujourd’hui, alors qu’on pensait à un apaisement entre les deux nations, grâce à l’implication du pays de Pharaon dans la médiation, la déclaration de Khartoum intervient comme de l’huile jetée sur le feu.

A ce stade, faut-il encore croire à un véritable dialogue pour décrisper la situation et ramener les deux pays voisins et amis à des meilleurs sentiments ? Que pourra l’Egypte, face à ces tensions qui ne font que s’accroitre et devant un tel refus de  coopérer ? Ce climat de suspicion qui renaît entre les deux Etats, soulève inquiète quant aux conséquences sur les ressortissants des deux pays voisins vivant de part et d’autre. Avec la ferme réplique du Tchad, le pire est à craindre. Ainsi, que les autorités tchadiennes cherchent d’autres voies pour un règlement pacifique et que l’Union africaine et les autres nations se saisissent de cette crise pour éviter aux deux peuples, l’escalade de la violence.

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