Le juillet 9 juillet 2025, lors d’une réunion dite de suivi-évaluation portant sur les projets des secteurs de l’eau et de l’énergie, tenue au Palais Toumai, le président de la République a vertement décrié le pillage des ressources financières injectées dans le secteur de l’électricité pour éclairer la ville de N’Djaména, partant, le Tchad. Ce sentiment de regret et les multiples autres sorties du maréchal junior ces derniers jours, laissent croire qu’il se rend compte, peu à peu, du vrai visage de ses pyromanes.
Christian Allahndiguissem
Face au ministre de l’Eau et de l’Énergie, PassaléKanabé Marcelin et des responsables en charge des différents projets et institutions des secteurs de l’eau et de l’énergie, le président de la République, le maréchal Mahamat Idriss Déby Itno, visiblement furieux, avec un ton rageur et sans langue de bois, a lâché : « L’Etat a mis à la disposition de la SNE, des milliards et des milliards. Si nous partons en arrière, beaucoup de personnes vont être arrêtées. Parce que l’Etat a toujours mis des moyens à la disposition, que ce soit de la STE ou de la SNE ». Une déclaration qui a suscité le battement de cœur de son auditoire qui écoutait la tête baissée, comme seuls savent le faire les coupables face à la sentence. Chacun souhaitait intérieurement, que le président ne prolonge pas leur calvaire à s’arrêter de les sermonner. Mais c’est mal connaître leur cadet lorsqu’il se fâche. C’est en ce moment même que le maréchal junior élève le ton, on ne peut plus clairement «Ce sont les gens qui ont mal géré. Les gens se sont enrichis sur le dos de l’Etat. Ce n’est pas un problème de moyens. Ce n’est pas non plus un problème de volonté politique. C’est un problème de gestion. Avec l’argent que l’Etat tchadien a mis à la disposition de la SNE, normalement, aujourd’hui, le Tchad sera un pays lumière. Si réellement, l’argent que l’Etat a mis à la disposition du secteur de l’énergie était bien utilisé, N’Djaména sera une ville lumière, je vous assure ».Une déclaration crue à couper la respiration des responsables des projets et des institutions en charge de l’énergie électrique. Peu importe leur état d’esprit à l’écoute de ce message. Que la ville de N’Djaména ou le Tchad installe en son sein, la lune ou les autres astres, cela nous importe aussi peu.
Kaka, surpris par les réalités
Ce qui intéresse dans la franchise du président de la République, est le fait qu’il reconnait et avoue clairement le pillage des ressources de l’Etat, devenu une pratique quotidienne dans l’administration publique. En effet, depuis la fin de la première année de son quinquennat, tout porte à croire que Mahamat Kaka se rend compte que ceux qui l’entourent, ceux qu’il a lui-même nommés dans les différents postes de responsabilité, le dupent de plus en plus. Un an passé en qualité de président de la République, il a réalisé enfin, de lui-même, que rien n’a bougé d’un seul iota, de ses cent actions contenues dans les 12 fameux chantiers sur la base desquels il a été élu.
Le ton a été donné le 3 juin 2025, par sa visite «inopinée », effectuée à la suite des deux premières pluies enregistrées dans la ville de N’Djaména qui ont rendu systématiquement impraticables certaines zones de la place. Il a pu constater « par lui-même », les conditions dans lesquelles vivent les populations des arrondissements « les plus vulnérables ». Le 16 juin, c’est au tour de la Caisse nationale des retraités civils du Tchad (Cnrct) de l’accueillir. Se rendre à l’évidence des conditions dans lesquelles, les personnes de troisième âge sont traitées était le but ultime de cette visite. Sur place, il sera désagréablement surpris par l’absence, sinon, l’abandon des postes par les Agents travaillant dans cette institution, excepté un seul chef de service rencontré sur les lieux. Soit ! Aussitôt, il a instruit qu’un contrôle soit diligenté par l’Autorité indépendante de lutte contre la corruption, (Ailc), à l’effet de faire la lumière sur la gestion macabre de cette Caisse. Là également, il a parlé des milliards déboursés par l’Etat tchadien pour résoudre le problème des arriérés des retraités. On n’en déduit un pillage des ressources financières, comme le cas dans le secteur de l’énergie.
S’en est suivi sa visite, le 8 juillet 2025, à l’Institut de recherche en élevage pour le développement (Ired) de Farcha, dans la commune du 1er Arrondissement de N’Djaména, pour comprendre les raisons de la chute de production par cette institution, qui est passée de 20 à 3 gammes de vaccins. Aussi a-t-il ordonné la libération et la rétrocession de 5 villas destinées aux chercheurs mais, occupées anarchiquement par d’autres personnes.
On ne saurait émettre ses injonctions, données lors la réunion consacrée à la sécurité des biens et des personnes. « Où vous changez la situation en assurant convenablement la sécurité des Tchadiens et leurs biens sur l’ensemble du territoire national où je prendrai mes responsabilités en nommant à votre place, des hommes et des femmes capables d’inverser la tendance », avait-il lâché, face aux différents responsables de la chaine de sécurité, insistant que le désordre doit immédiatement s’arrêter !
Entre simple regret et prise de conscience
Au regard de ces multiples sorties et en suivant ses déclarations, on est en droit de dire sans risque de se tromper, que le maréchal junior prend lentement, mais sûrement conscience de la situation réelle du pays qui, longtemps, lui a été toujours cachée par ceux qui rôdent autour de lui. Ces flatteurs de la 5ème République qui ne pensent qu’à frotter les mains avec le butin à eux, légué après la disparition tragique de Déby père. Plus les jours passent, plus la situation s’empire. Pourtant, la refondation du Tchad à travers les 12 chantiers, est chantée à longueur des journées par les chantres du pouvoir, les mêmes qui mettent le pays à genou. A travers les réactions de MMIDI de ces derniers jours, tout laisse entrevoir qu’il est outré par le comportement antirépublicain de ces pyromanes, ces agents de l’Etat qui pillent les ressources de la République, des milliards de nos francs CFA, comme bon leur semblent. Malheureusement, il faut déplorer le fait que le président fasse ces aveux, aucune mesure conservatoire. Ce qui s’apparente bien à une faiblesse de l’Etat, un feu vert donné une fois de plus, à ceux qui saignent à blanc le trésor public, de continuer dans ces pratiques peu orthodoxes, longtemps décriées. Ce qui fait dire aussi que le président verse dans la diversion, face aux multiples contestations de ces derniers jours. Mais s’il est sérieux, qu’il passe à l’action. Ne dit-on pas que « le tigre ne proclame pas tigritude. Il bondit sur sa proie et la dévore ».
