Par décret n°1402 du 10 juillet 2025, le médiateur de la République, ancien premier ministre de transition et ancien opposant au régime Itno, Saleh Kebzabo a été élevé à la dignité d’Ambassadeur du Tchad. Une élévation qui relève de la discrétion absolue du Président de la République, Chef de l’Etat. Sur les traces de ce grand commis d’Etat.
Franck Madjitébaye
D’entrée de jeu, Saleh Kebzabo est ainsi élevé au rang du 25ème Ambassadeur de la République, remplaçant à ce poste, la regrettée, Mme AmmoAziza Baroud. Une nomination honorifique ? s’il faut le rappeler, qui relève de la plus grande discrétion du Chef de l’Etat, accordée à un homme ou à une femme, pour services rendus à la nation toute entière. L’élévation au rang d’Ambassadeur dignitaire n’est pas le fruit du hasard. Elle obéit à certaines normes de la République du Tchad, instaurées par feu Maréchal, président Idriss Déby Itno, par décret N° 168 du 21 avril 2000 qui définit les critères de nomination et les missions des membres du Corps des Ambassadeurs du Tchad. A ce titre, le garant de la nation, au vu des prérogatives que lui confère la Constitution décide, au nom du peuple, d’élever cette figure emblématique au rang des autres considérations de portée nationale et internationale.
Une parenthèse sur la culture des Gaulois
Si, les grandes pensées et figures de savoirs du monde de l’intelligentsia française, après leur passage sur terre, reposent dans les quatre murs du cimetière de Panthéon, cette même culture de l’élite française pérennisée, consacre également des élévations aux rangs des personnalités remarquables de la République des années d’indépendance. A titre illustratif, Robert Dumand, médecin de carrière a été élevé au rang d’Ambassadeur dignitaire de la France par son ami Président, François Mitterrand. Pour revenir audit décret de Déby père, en son article 1er, la dignité d’Ambassadeur du Tchad est conférée au diplomate de carrière, ayant atteint le grade de ministre plénipotentiaire hors classe, ainsi qu’à toute autre personnalité ayant occupé des hautes fonctions. Aussi, les intéressés doivent avoir rendu d’éminents services à la nation ou contribué de manière exceptionnelle, la promotion des relations internationales, être âgés de 50 au moins et avoir accompli 20 ans de service au minimum. Puis, dans l’article 4 de ce décret, les Ambassadeurs dignitaires du Tchad bénéficient des indemnités et autres avantages fixés par décret, pris en conseil des ministres.
Qui est Saleh Kebzabo ?
Une question qui ne mérite pas d’être posée, surtout que l’homme n’est plus à présenter. Journaliste de formation à la plume redoutable, ayant fait la fierté du Tchad dans les colonnes du journal « Jeune Afrique » dans les années 70, Saleh Kebzabo, le fils de l’un des tous premiers Gongs de Léré, s’est par la suite converti en homme politique. Profitant du vent de la démocratie soufflé par feu Maréchal Idriss Déby Itno, le 1erdécembre 1990, qui a renversé l’un des plus implacables dictateurs de l’Afrique, Hissein Habré. Saleh Kebzabo, selon certains observateurs ne serait pas le père fondateur, de l’Union national pour la démocratie et le renouveau, (Undr). Son parti l’Undr initié par le vétérinaire, Ramadan Oueddé, frère ainé de Nassour Guelendouksia, lui a confié les reines de sa gouvernance, à quelques encablures de la Conférence nationale souveraine de 1993.

Il est vrai que Saleh Kebzabo dispose d’un potentiel de compétences politiques, indéniables. Plusieurs fois candidats aux différentes consultations électorales qu’a connues le pays sous Déby père, le président national du parti de la calebasse est resté, durant tout son parcours politique, une figure emblématique et gênante au régime. Tantôt engagé dans la gestion du pays en qualité de ministre, tantôt opposant à l’hémicycle, Saleh Kebzabo était le chef de file de l’opposition le plus affreux, imposant par endroit, des points de divergence et de convergence dans la gestion de l’Etat sous Déby père.
Même si des facteurs et des pressions des partenaires et amis ont concouru à fumer le calumet de la paix, le résultat est que bon nombre de politico-militaires ont regagné le bercail, pour prendre part ainsi activement aux assises du Dialogue national inclusif et souverain, (Dnis). Puis, pour service rendu, le président du parti de la calebasse, l’un des artisans du Dnis a été désigné, premier ministre de transition civile. D’une étape à une autre dans le processus électoral pour le retour à l’ordre constitutionnel, Kebzabo est nommé le Médiateur de la République.
Mérite t-il cet honneur ?
Loin d’engager un jugement de valeur, les parcours professionnels et politiques de Saleh Kebzabo font de lui un grand commis de l’Etat. En sus de son cursus de professionnel de média, Saleh Kebzabo dispose d’une renommée internationale dans certaines mesures. Longtemps aux affaires commerciales et actif dans certains colloques internationaux dédiés au développement de l’Afrique à différentes échelles, Saleh Kebzabo a occupé plusieurs postes dont celui de président de Rotary Club et actuel Gouverneur de cette organisation à plusieurs couleurs, pour la zone d’Afrique centrale et de l’Est. Ici, au pays de Toumaï, Saleh Kebzabo a été plusieurs fois Directeur général, ministre et chef des grandes institutions du pays, y compris chef de file de l’opposition. Son élévation au rang d’Ambassadeur dignitaire, même si elle découle de la discrétion absolue du Président de la République, elle est ni plus ni moins le couronnement des services rendus à la nation. « A mon humble avis, il faut reconnaitre que Saleh Kebzaboa beaucoup rehaussé des élections qui se sont déroulées dans notre pays. Bien qu’il ne soit pas un diplomate de carrière, il est une figure incontournable dans la vie politique du Tchad. Et je crois que le Président Mahamat Idriss Déby Itno a bien fait de porter son choix sur la personne de Saleh Kebzabo par rapport aux candidats, à juste titre. Car, il répond bien aux critères de nominations qui nous régissent, nous Ambassadeurs dignitaires », a fait observer, Issaka Ramat Alhamdou, le président du parti Rassemblement des nationalistes tchadiens (Rnt), l’un des 10 Ambassadeurs dignitaires issus de la première promotion sous Déby père.