Visite de Allah-Maye Halina au marché central de N’Djaména

L’égarement du PM

Le Premier ministre Allah-Maye Halina, accompagné de ses collaborateurs, a effectué le 20 février 2025, une visite au Marché central de N’Djaména. Selon ses propres termes, c’est pour constater la variation des prix des denrées de première nécessité à l’approche du mois saint de Ramadan. Mais une telle visite est-elle la solution à la précarité des ménages tchadiens, face à la cherté de vie due à la spéculation de ces produits ?

Sougour Ndangmbété Jean Luc

«C’est pour aller dire devant les députés ramassés et fabriqués par le Mps que ‘‘mon gouvernement est un gouvernement d’actions, soucieux de la situation de sa population’’ », disait un candidat malheureux aux législatives. Il digère toujours mal son échec à ce simulacre d’élections. Il y a injecté tout de même, un joli pactole. Il faisait allusion à la visite du premier ministre, Allah-Maye Halina, au marché central. Une visite qui retient d’ailleurs l’attention de plus d’un, au moment où le contexte social semble s’assombrir.

En effet, le 20 février 2025, le Premier ministre Allah-Maye Halina a fait une descente, dite « visite inopinée », même s’il n’en est pas une, au marché central de N’Djaména. Selon les services de communication de la Primature, cette visite a pour objectif de constater la variation des prix des denrées alimentaires de première nécessité. A entendre le Premier ministre, elle intervient du fait qu’à l’approche du mois saint de ramadan, on assiste à une flambée des prix des denrées alimentaires de première nécessité et qu’il faille constater de visu. Dit-on, qu’en effectuant cette visite, le premier ministre voudrait vivre personnellement cette flambée et écouter les cris de la population tchadienne qui subit les conséquences, en vue de solutions idoines.

« Adjab !!! »

A la fin de sa visite « inopinée », Allah-Maye Halina a fait une déclaration qui a défrayé la chronique. Alors que les commerçants et les consommateurs attendaient impatiemment de lui, ce qui pourrait les soulager, chacun en ce qui le concerne, le PM s’est étalé dans un verbiage oiseux. Plutôt que de déplorer la spéculation des prix des denrées alimentaires qui est une réalité absolue sur les différents marchés de N’Djaména, il s’est évertué à les maintenir, se focalisant simplement sur le cas du marché central. On déduit que, son souci n’était pas de décider d’une réduction quelconque des prix, mais pour qu’aucun prix ne soit augmenté, qu’il s’agisse du prix de la viande, du mil, du poisson, des pâtes, ou de tout ce qui est produit de première nécessité, fait comprendre le premier ministre. « Nous avons insisté que le prix de viande, le kilogramme de 2000f reste 2000f ; le prix d’oignon de 1250f reste 1250f ; le prix d’ail reste à 7000f », poursuit Allah-Maye Halina pour qui,  le ramadan est plutôt un moment de partage, de pénitence et d’aumône et qu’il est inadmissible d’augmenter les prix de ces produits.

Il faut arrêter ce genre de distraction !

Sans toutefois entrer dans les détails de cette sortie folklorique, complètement ratée, il faut dire qu’il n’est pas du rôle d’un Premier ministre, fut-il chef du gouvernement, de descendre sur les marchés pour constater la variation des prix. Malheureusement, c’est arrivé. C’est pour imiter son prédécesseur,  Assyongar Masra Succès qui a effectué en son temps, une visite au marché de Dembé pour, non seulement compatir avec les commerçants dont les boutiques étaient parties en fumée, mais aussi pour constater les prix des denrées de première nécessité. Même si c’est le cas, Allah-Maye Halina pouvait bien se rappeler, qu’après le passage de Masra Succès au marché de Dembé, rien n’a changé. La situation s’était plutôt empirée. En plus, effectuer une visite sur un seul marché de la capitale n’est pas suffisant pour tirer des conclusions, en ce qui concerne la spéculation des prix des denrées alimentaires. D’ailleurs, le fait de demander aux commerçants de vendre par exemple, un kilo de viande à 2000f, témoigne à suffisance que le Premier ministre est loin des réalités. Ce ne sont pas tous les commerçants qui vendent la viande avec cette unité de mesure.

Par ailleurs, si un coro d’ail se vend au marché central à 7000f, comme il nous le fait comprendre, il n’en est pas de même dans d’autres marchés. Finalement, en demandant aux commerçants du marché central de maintenir ces prix, c’est autant demander aux autres qui vendent un peu moins chers, d’augmenter les prix. C’est dire aussi que, chaque commerçant peut garder les prix mais ne pas augmenter.

Parlant du manque d’électricité au marché central, on a pas besoin de faire ce tour pour s’en rendre compte. Ce problème existe depuis toujours et personne ne l’ignore. C’est ridicule de faire un tel semblant.

Que les techniciens s’en chargent

Quoi qu’on dise, cette visite de terrain, au-delà de l’objectif brandi officiellement, est de prouver davantage, sa loyauté à celui qui l’a nommé et reconduit au poste, de témoigner aussi qu’il est véritablement  le « fidèle parmi les fidèles ». Une visite motivée sur injonctions du Maréchal, Mahamat Idriss Deby Itno, à la faveur de  sa visite le4 janvier 2025, à la Centrale thermique tri-combustible de Djarmaya. «Je ne veux plus de fausses informations. Je ne veux plus de faux rapports. Rester au bureau, faire des faux rapports, nous envoyer des faux rapports, faire des réunions avec des chiffres qui ne correspondent pas à la réalité, ce n’est pas normal… C’est fini, le temps des discours. C’est fini, le temps de faire des réunions dans les bureaux climatisés », aclamé le Chef de l’Etat, en insistant que, désormais, chaque responsable doit descendre sur le terrain pour suivre les projets en cours.Depuis, ce jour, du 1er à l’actuel gouvernement de Allah-Maye, chacun crée de situations pour descendre sur le terrain en vue d’attirer l’attention de Kaka. Mais, jusqu’à quand ? C’est pitoyable !

Dans tous les cas, il faut dire pour le déplorer, que la descente du Premier ministre, ne devait pas se faire. Les services du ministère du commerce et de l’industrie et ceux des autres ministères concernés, sont mieux placés pour faire ce travail et d’en rendre compte à qui de droit. Selon l’article 102 de la Constitution, le Premier ministre dirige, coordonne et anime l’action gouvernementale et dispose de l’administration. En d’autres termes, le chef du gouvernement étant le garant de l’action gouvernementale, devait mettre en place des mécanismes, en impliquant les techniciens en la matière, à différents niveaux. Au mieux, mettre sur pied une commission interministérielle en y incluant les organes qui œuvrent dans ce sens, en vue des solutions durables aux problèmes de spéculation des prix des denrées de première nécessité, de manière à ce que commerçants et consommateurs trouvent leur compte. Sinon, ce qu’il vient de jouer n’est ni bénéfique aux commerçants, ni aux consommateurs. Bref, une simple visite effectuée par un premier ministre dans un marché ne saurait être une solution à la précarité des Tchadiens. Mieux, passer aux actions concrètes. Sinon se taire que de vadrouiller pour distraire et frustrer davantage les populations qui ont déjà le cœur brisé.  On peut dire que l’ambassadeur s’est égaré pour se retrouver ce jour, au marché central, rien de plus.

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